L’agroécologie : l’agriculture et l’alimentation de demain
Table de matières
Introduction
Assurer une coexistence pacifique à long terme
L’agroécologie montre la voie de l’avenir
Les principes de l’agroécologie
Une solution qui est déjà une réalité, dans le monde et en Suisse
Diversité versus production de masse
La Suisse soutient le changement
Il est urgent d’agir
Pour en savoir plus
Études importantes
Aujourd’hui, l’agriculture moderne parvient à produire davantage sur des surfaces plus petites avec moins de main-d’œuvre, et à nourrir toujours plus de personnes ayant des exigences croissantes. Mais les coûts sociaux et écologiques sont élevés. Et pour la première fois depuis les années 1980, le nombre de personnes touchées par la faim dans le monde augmente à nouveau. Au niveau international, l’agroécologie est considérée comme un mode de gestion agricole et alimentaire porteur d’avenir. La Suisse est certes sur la bonne voie : le «bio » est très apprécié. Cependant, la présence de pesticides agricoles dans l’eau potable et le déclin de la biodiversité doivent inciter les agricultrices et agriculteurs, les consommatrices et consommateurs ainsi que les milieux politiques à agir.
Selon les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 811 millions de personnes souffrent actuellement de faim et de sous-alimentation, alors que la production mondiale de denrées alimentaires serait suffisante pour nourrir l’ensemble de l’humanité. Parallèlement, la suralimentation et le déséquilibre alimentaire touchent près d’une personne sur trois, dans les pays industrialisés mais aussi de plus en plus dans les pays en développement. La mondialisation des marchés fait qu’à Dakar, la capitale du Sénégal en Afrique de l’Ouest, le pain est fabriqué avec de la farine importée de l’Union européenne. Et en Suisse, nous consommons des tomates chinoises prétendument originaires d’Italie.
L’économie alimentaire actuelle est extrêmement vulnérable aux crises politiques, sociales, économiques ou écologiques. Une grande partie de l’alimentation se base sur seulement douze espèces végétales et cinq espèces animales, trois géants alimentaires – dont le Bâlois Syngenta – fournissent plus de deux tiers des semences, et près d’un cinquième des aliments transite par différents pays. De plus, l’agriculture moderne est l’une des causes du déclin de la biodiversité et de la fertilité des sols, ainsi que de la pollution des réserves d’eau potable et de l’atmosphère. Les dommages environnementaux et les problèmes de santé qui en résultent entraînent des coûts qui sont imposés à la collectivité.
Assurer une coexistence pacifique à long terme
Mettre un terme à la faim d’ici 2030 est une préoccupation majeure des Nations unies.
La population mondiale s’urbanise et doit pouvoir accéder à une alimentation suffisante, saine et produite dans le respect de la santé. Il existe un consensus mondial sur le fait qu’une coexistence pacifique et prospère n’est pas possible si une partie de l’humanité souffre de faim ou de malnutrition et quitte son pays d’origine pour chercher ailleurs une vie dans la dignité et la sécurité.
L’agroécologie montre la voie de l’avenir
Une démarche porteuse d’avenir consiste à ancrer la production et la consommation de denrées alimentaires dans un contexte local afin de les assurer à long terme. L’agroécologie offre des pistes pour y parvenir dans le respect de l’être humain et de l’environnement. Les cultivateurs et cultivatrices, les consommatrices et consommateurs ainsi que les personnes impliquées dans la transformation et le commerce alimentaire développent ensemble des solutions innovantes pour produire davantage avec moins de fourrages achetés, de pesticides et d’engrais de synthèse, et pour garantir une alimentation saine et variée.
L’agroécologie fait référence à une agriculture fondée sur des principes écologiques scientifiques et sur l’expérience paysanne dans l’utilisation économique des bases de production naturelles. Le compost consiste par exemple à réutiliser les nutriments et la biomasse de manière à préserver la fertilité des sols. Un mix équilibré de production végétale et animale permet non seulement de sauvegarder les espèces, mais aussi d’assurer la diversité nutritionnelle nécessaire à une alimentation saine. L’apprentissage collectif et l’échange de connaissances sont des éléments essentiels de l’agroécologie dans la pratique. L’agroécologie implique une évolution de la société avec pour objectif une commercialisation aussi directe que possible entre la production et la consommation, une orientation plus marquée vers les spécificités locales et la reconnaissance des femmes et des jeunes dans leur rôle d’entrepreneuses et d’entrepreneurs.
Les principes de l’agroécologie
Dans son rapport publié en juillet 2019, le Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition a formulé trois principes interdépendants de l’agroécologie:
- Utiliser les ressources de manière plus efficace: réutiliser les ressources («recyclage»); exploiter les ressources renouvelables; utiliser, autant que possible, des systèmes à cycle fermé de production alimentaire et de biomasse; réduire ou, idéalement, éviter les intrants chimiques.
- Renforcer la résilience: maintenir et améliorer la fertilité des sols; assurer la santé et le bien-être des animaux; préserver la biodiversité; prendre en compte l’interaction entre les animaux, les plantes, les arbres, le sol et l’eau dans la production; promouvoir les exploitations agricoles durables et économiquement diversifiées.
- Assurer la justice et la responsabilité sociales:
- Générer les connaissances nécessaires grâce à l’échange d’expériences entre la pratique et la recherche agricole.
- Produire des aliments sains, diversifiés, adaptés à la saison et au contexte culturel.
- Permettre des modes de vie dignes et durables pour toutes et tous. Soutenir les familles paysannes par des conditions équitables en matière de travail, de relations commerciales et de propriété intellectuelle.
- Promouvoir la commercialisation directe. Reconnaître et rémunérer les efforts des paysans et paysannes en matière de protection de l’environnement. Associer les producteurs et productrices ainsi que les consommatrices et consommateurs à toutes les étapes du système de production alimentaire.
«Nous devons proposer des systèmes alimentaires durables qui offrent des aliments sains et nutritifs, produits de manière durable, et qui protègent également l’environnement. L’agroécologie peut largement contribuer à cet objectif»
Une solution qui est déjà une réalité, dans le monde et en Suisse
L’agroécologie comme moyen d’atteindre les objectifs mondiaux de développement durable n’est pas seulement une vision, c’est une réalité dans de nombreux endroits du monde, dont les axes sont l’agriculture biologique, l’économie circulaire et la commercialisation directe.
Occupant environ 17% de la surface agricole suisse, plus de 15% des exploitations agricoles produisent déjà intégralement selon le label Bourgeon Bio. Et la part des exploitations qui suivent les directives de la production intégrée est deux fois plus élevée. Ce mode de production n’interdit pas l’utilisation de produits phytosanitaires mais la réduit massivement.
Cela ne suffit toutefois pas à réduire l’empreinte écologique de la Suisse à un niveau supportable. Cette situation est due à un important volume d’importations alimentaires qui sont écologiquement et socialement problématiques, mais aussi à la forte pollution des sols et de l’eau par les pesticides et à la diminution inquiétante de la biodiversité.
Diversité versus production de masse
«Mais l’agroécologie peut-elle nourrir le monde?» Telle est la question qui revient régulièrement. Il est clair qu’il est difficile d’avoir une productivité maximale tout en préservant des bases naturelles saines. Mais au vu des dégâts causés par l’économie alimentaire traditionnelle, un changement est incontournable. La vraie question est donc plutôt: «Comment l’agriculture peut-elle nourrir le monde sans conséquences malsaines à long terme pour les êtres humains et l’environnement?»
Les recherches menées par l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FibL, à Frick, montrent que l’agriculture biologique peut nourrir le monde, à condition de réduire fortement les pertes de denrées alimentaires lors de la production et du transport ainsi que le gaspillage et la consommation de viande.
Le passage à une économie alimentaire orientée vers l’agroécologie et porteuse d’avenir exige donc une régulation sociale. Les marchés qui produisent, transportent et consomment les denrées alimentaires dans le respect de l’environnement et de la société devraient être récompensés pour la plus-value publique qu’ils créent. La Suisse connaît déjà de telles règles sous la forme des paiements directs pour les prestations écologiques.
La Suisse soutient le changement
Dès aujourd’hui, la Suisse participe à l’élaboration des règles de la FAO et du Comité de la sécurité alimentaire mondiale qui guident les pays dans leur transition vers une agriculture et une économie alimentaire durables. La Suisse soutient l’Union africaine dans la mise en place d’une agriculture écologique. Le modèle est l’agriculture suisse, avec sa production alimentaire multifonctionnelle, soucieuse des équilibres sociaux et régionaux, basée sur les exploitations familiales et respectueuse de l’environnement.
Il est urgent d’agir
Pour l’ancien directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), une chose est claire:
Nous devons changer nos modes de production et de consommation des aliments. «Nous devons proposer des systèmes alimentaires durables qui offrent des aliments sains et nutritifs, produits de manière durable, et qui protègent également l’environnement. L’agroécologie peut largement contribuer à cet objectif.»
Pour en savoir plus
Le Réseau «Agroecology_Works» d’organisations paysannes et de développement est en cours de création sous #agroecologyworks. Il vise à renforcer la sensibilisation et la compréhension en matière d’agroécologie, et à promouvoir les synergies entre les différents acteurs du secteur agricole et alimentaire. Le réseau oriente ses activités vers un changement de la conscience publique et des conditions cadres politiques en Suisse. L’accent est mis sur la politique étrangère et la politique économique extérieure, la politique agricole et alimentaire et les politiques de la recherche et de la formation.
Le réseau souhaite:
- motiver les politiciennes et politiciens
- sensibiliser les consommatrices et consommateurs ainsi que les électrices et électeurs
- mobiliser les acteurs et actrices du marché
- développer et échanger des connaissances
Études importantes:
- L’agroécologie était au cœur de la Journée mondiale de l’alimentation 2019. Le 16 octobre 2019, la Haute école spécialisée de Zollikofen organisait l’événement «Agrarökologie – System Change in der Landwirtschaft» (en allemand)
- Publications sur l’agroécologie par le Comité national Suisse de la FAO.
- Plateforme des connaissances sur l’agroécologie de la FAO (Knowledge Hub)
- «Sustainability in global agriculture driven by organic farming Agricultural practices need to change to meet the United Nations Sustainable Development Goals by 2030». Article scientifique de Frank Eyhorn, Adrian Muller, John P. Reganold, Emile Frison, Hans R. Herren, Louise Luttikholt, Alexander Mueller, Jürn Sanders, Nadia El-Hage Scialabba, Verena Seufert and Pete Smith.
- Mainstreaming Agroecology: Implications for Global Food and Farming Systems. Article scientifique de Wibbelmann, M., Schmutz, U., Wright, J., Udall, D., Rayns, F., Kneafsey, M., Trenchard, L., Bennett, J. and Lennartsson, M. (2013)