Protégez nos forêts, maintenant!
Alors que les conférences sur le climat débattent de la manière de sauvegarder la biodiversité et de protéger les forêts primaires, la destruction de terres et de vies se poursuit tranquillement, loin des projecteurs de la politique. Et ce, non seulement en Amazonie et en Sibérie, des régions lointaines pour nous, mais aussi « juste devant notre porte ».
« Nous avons vécu l’échec du communisme, et nous vivons maintenant la sauvagerie du capitalisme. Nos terres nous ont été rendues suite à des réformes de redistribution des sols, pour nous être reprises au nom de l’industrialisation privée et de l’accumulation du capital » écrit Szöcs-Boruss Miklos Attila, agriculteur et président d’Eco Ruralis en Roumanie, pays membre de l’UE.(1) Cela peut-il toutefois compromettre le futur de « Glasgow » ?
Dès le début de la conférence, les leaders de « Glasgow » ont publié une déclaration pour la protection des forêts de notre planète.(2) Si les droits des peuples autochtones y sont mentionnés, la déclaration – déjà signée par plus de 130 États – ne semble pas aller vers un changement de système.
Pillage de terres en Roumanie
La Roumanie est l’un des pays les plus pauvres de l’UE.
La base de la chaîne d’approvisionnement locale et de son économie rurale est menacée, laminée par des entreprises agro-industrielles internationales qui cultivent des monocultures sur des dizaines de milliers d’hectares destinées à une exportation plus lucrative. Elles sont arrivées, entre autres, « attisées par la disponibilité des paiements directs dans le cadre de la politique agricole commune de l’UE ». Certes, la Roumanie avait négocié avec l’UE un moratoire sur la vente de ses terres, mais celui-ci « n’a pas donné grand-chose ces dernières années. Les entreprises et les fonds d’investissement européens y ont rapidement trouvé des failles pour acheter ou louer des terres dans les nouveaux États membres ».
Les aliments destinés à la population locale sont traditionnellement produits dans des exploitations agricoles locales. Elles s’étendent en moyenne sur 2 hectares et utilisent en outre des terres communes. Plus de la moitié des pâturages permanents sont des terres communes et sont nécessaires à la « pérennité de l’agriculture autarcique à petite échelle et agroécologique ». Mais… « les immenses surfaces de pâturages communs seraient louées par les autorités locales aux plus offrants ». Et inutile de dire qu’il ne s’agit guère des agriculteurs locaux.
A ce sujet, voir les articles de Szöcs-Boruss Miklos Attila, Eco Ruralis,
Accès à la terre → paru dans Archipel 305, juillet 2021
Le paysan roumain connaît-il ses voisins? → publié dans Archipel 235, mars 2015
Pillage de terres en Ukraine
« Un projet de sports d’hiver mégalomaniaque, une course à la croissance de l’économie fanatique et irrationnelle, le non-respect d’une région montagneuse magnifique et le tout imprégné de corruption : voilà la triste réalité », c’est ainsi que Nicholas Bell du Forum Civique Européen qualifie le projet avec lequel l’Ukraine espère attirer les Jeux Olympiques d’hiver 2030 dans les Carpates.
A ce sujet, voir l’article de Nicholas Bell, EBF,
Obsession olympique → publié dans Archipel 303, mai 2021
« L’histoire des meubles bon marché est aussi peu reluisante que celle des vêtements et des aliments bon marché. »
Déforestation en Roumanie
La Roumanie possède la plus grande proportion de forêts vierges restantes en Europe. Elles sont des points clés de la biodiversité et un lieu de stockage important de carbone. Et celles-ci sont détruites, déboisées illégalement. Derrière ces déforestations : un vaste réseau de systèmes corrompus, mafieux et clientélistes, souvent étroitement liés aux politiciens (locaux).
Pour atteindre leurs objectifs, les grands groupes d’exploitation forestière n’hésitent pas à recourir aux menaces, à l’expropriation et à l’expulsion de la population locale, souvent en collaboration avec la politique roumaine. Les protestations locales contre la destruction de l’environnement et l’injustice sociale sont qualifiées par les pouvoirs en place de stupides, naïves et ignorantes. Les voix critiques sont « tenues invisibles ou muettes par la politique. Par conséquent, la population locale n’est non seulement incomprise, mais tout simplement ignorée ». En 2017, des protestations ont eu lieu dans tout le pays et « un grand contre-mouvement s’est formé à Bucarest pour protester contre la corruption et le favoritisme, revendiquant une société civile plus active et une démocratie participative. Les revendications concernaient, outre les déforestations illégales, également les préoccupations politiques et démocratiques, car la protection des forêts n’est possible qu’avec un système juridique qui fonctionne ».
À ce sujet voir l’article de Katharina Lindtner, Vienne,
Contre la déforestation → publié dans Archipel 307, octobre 2021
Déforestation en Ukraine
L’histoire des meubles bon marché est aussi peu reluisante que celle des vêtements et des aliments bon marché.
L’article IKEA fait fausse route (partie 1 et partie 2) de Christoph Lehemayr a soudain donné une origine aux meubles en bois des grands distributeurs mondialement connus. Il s’est penché sur la chaîne d’approvisionnement et a montré « comment du bois illégal en provenance d’Ukraine se retrouve dans les meubles du géant suédois, ce que les géants autrichiens du bois ont à voir avec cela et pourquoi beaucoup de choses doivent rester cachées ».
Article de Christoph Lehermayr, journaliste,
UKRAINE: IKEA fait fausse route, Partie 1 → publié dans Archipel 296, octobre 2020
IKEA fait fausse route, Partie 2 → publié dans Archipel 297, novembre 2020
Pour que Glasgow ne soit pas en vain
Les déclarations et les promesses ne nous aideront pas. Si les exigences ne sont pas mises en œuvre ou contrôlées, elles restent des paroles en l’air, pire encore, elles nous bercent du bon sentiment que de telles conférences vont améliorer la situation mondiale. Nous attendons des participants aux négociations – y compris de la délégation suisse – qu’ils fassent entendre les voix critiques.
Les forêts sont notre poumon à tous, sans elles, la catastrophe climatique ne pourra être stoppée.